C’est certainement l’article le plus difficile à rédiger…. cela fait des mois que ça se bouscule dans nos têtes, après tant de découvertes incroyables dans le domaine de l’éducation, l’enfance et la parentalité.

Nous allons d’abord vous faire part de nos expériences professionnelles, qui nous ont amenés à remettre en cause sérieusement notre système éducatif…

Témoignage d’Elodie, orthophoniste :

 » J’adore mon travail et essaie de m’impliquer dans mes prises en charge, en travaillant le plus possible en lien avec la famille et l’école. Dans mon cabinet je reçois des patients avec des pathologies variées (autisme, retard de parole et de langage, dyslexie-dysorthographie), et d’autres sans réelle pathologie, mais avec des difficultés pour entrer dans les apprentissages scolaires (bien souvent associées à un réel mal-être et le sentiment d’être nul).

Pour ces enfants là, on ne rééduque pas, mais essaie de mettre la charrue avant les bœufs, de trouver des stratégies pour les ré-adapter au système scolaire. Ces enfants n’ont pas de pathologie, ils sont juste broyés par un système éducatif qui ne respecte ni leur rythme, ni leur fonctionnement cognitif, et auquel ils doivent s’adapter coûte que coûte.

De nombreux témoignages de parents et d’enfants m’ont également interpellée : des enfants de CE1 que l’on prive de récréation toute l’année parce qu’ils ne recopient pas leurs leçons aussi vite que les camarades ; d’autres que l’on met dans le « groupe des mous » ; des enfants qui font toutes les nuits des cauchemars de l’école, etc. Le plus révoltant pour moi ce sont les redoublement qui ne sont pas autorisés, quand bien même ils seraient réellement bénéfiques pour l’enfant et que toute l’équipe médicale abonde dans ce sens. La raison : le redoublement, ça coûte cher…! Mais mettre un enfant en échec dès son plus jeune âge, je ne pense pas que cela pourra en faire un individu épanoui qui pourra sereinement trouver un travail plus tard, et des années de prise en charge en orthophonie ça coûte cher aussi à la société… D’autant plus que nous sommes débordés de demandes avec les personnes souffrant de handicaps lourds, et devons en plus récolter les pots cassés de l’éducation nationale…!

Par ailleurs, je prends de plus en plus conscience de la nocivité d’un système qui veut faire entrer les individus dans des cases dès le plus jeune âge : « tu apprendras à lire à 6 ans parce qu’un haut fonctionnaire de l’Etat qui n’y connaît rien au développement de l’enfant l’a décidé ». Mais beaucoup d’enfants ne sont pas prêts à apprendre à lire à cet âge là. Ils ont encore besoin de se développer sur le plan langagier, affectif, moteur. D’autres au contraire dévorent déjà des livres à 5 ans.

Pour moi, il y a plusieurs problématiques dont il faut avoir conscience :

  • manque de formation des enseignants (qui sont eux aussi victimes car ils travaillent dans des conditions difficiles avec très peu de soutien)
  • classes sur-chargées
  • des programmes lourds et incohérents à suivre
  • manque de travail en lien avec les parents qui devraient être davantage impliqués dans la vie de l’école
  • le non-respect du rythme et du développement de chaque enfant.

Par ailleurs, beaucoup d’entre nous ne sommes pas traumatisés par l’éducation nationale, mais on retient peu de ce qu’on nous  enseigné, habitués à apprendre pour les contrôles, sans intérêt ni motivation. On achève le lycée, propulsés dans la vie étudiante, sans être préparés à « la vraie vie », sans savoir gérer un budget, cuisiner, monter un meuble ! Quel dommage de passer 15 ans de sa vie assis sur une chaise pour un résultat si médiocre. »

Témoignage de Romain (prof des écoles dans le public):

« J’ai aujourd’hui la possibilité de prendre du recul sur ma pratique et de faire un bilan de mes 5 années d’enseignement (dont 4 en Zone d’Education Prioritaire).

Je suis toujours allé travailler avec la ferme envie d’aider les enfants à apprendre des choses en prenant du plaisir, mais je me heurte aux limites de l’Education Nationale que Pépita a déjà évoquées. Par ailleurs, je n’ai pas eu de formation, même lorsque j’ai été nommé en CLIS 4 (enfants porteurs de handicaps moteurs avec troubles cognitifs associés), et je devais cacher aux parents que je n’avais pas l’habilitation pour exercer à ce poste…

Heureusement, j’ai eu la chance de travailler ces deux dernières années avec une enseignante formatrice retraitée qui venait dans ma classe bénévolement. Elle m’a permis de développer une pédagogie qui s’adapte à chaque élève, favorise la coopération, et le tutorat. Cela valorise celui qui sait, sans stigmatiser celui qui ne sait pas encore. L’enseignant n’est pas le seul détenteur du savoir, il est simplement là pour orchestrer ce dispositif, et les enfants sont ravis d’être aidés par leurs camarades.

Avec cette façon de travailler, j’ai pris énormément de plaisir et je ne remercierai jamais assez ma collègue !

J’aimerai dans les années à venir travailler plus en lien avec la nature (jardiner avec les élèves), avoir un lien plus fort avec les parents pour les aider à élever leur enfant et que nous partagions les mêmes valeurs, à savoir :

  • la bienveillance
  • l’entraide
  • ne pas se comparer les uns et les autres mais travailler ensemble pour mener à bien des projets. »

Si vous êtes encore dubitatifs, on vous conseille le documentaire « Alphabet » qui explique les limites de notre système éducatif, ainsi que le passionnant et incontournable livre de Céline Alvarez « Les lois naturelles de l’enfant ». En effet, des chercheurs, neuro-scientifiques, pédiatres, peuvent aujourd’hui apporter des informations indispensables pour révolutionner notre système éducatif. Les ouvrages de Sophie Rabhi-Bouquet « La ferme des enfants », d’Isabelle Peloux « L’école du colibri », d’André Stern « Et je ne suis jamais allé à l’école » ou du Dr Gueguen sur la parentalité sont des électrochocs ! La vidéo suivante finira de vous convaincre !

 

Si vous avez plus de temps, nous vous recommandons le documentaire suivant « L’éducation interdite », dont la version intégrale est disponible sur YouTube. Vous n’en ressortirez pas indemnes !

 

Nous avons donc commencé à nous renseigner sur les pédagogies alternatives telles que Montessori, Freinet, Steiner, et nous trouvons ces approches très intéressantes. Mais il y a quelques mois, nous avons fait une découverte qui a changé nos vies (oui, n’ayons pas peur des mots!). Tout cela a commencé par le visionnage du film « Etre et devenir », qui, à travers le questionnement personnel de Clara Bellar, la réalisatrice, nous fait découvrir les apprentissages autonomes ou informels. Ici, les enfants sont en instruction en famille (en France, ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction), mais sans pour autant faire « l’école à la maison » (nous verrons plus loin que certaines écoles proposent cette philosophie). Pas de manuels, d’exercices, de notes, pas de programmes à respecter. On laisse l’enfant aller vers les domaines qui l’intéressent et les approfondir autant de temps qu’il le souhaite. Les maîtres mots sont : confiance et temps. Peu importe si l’enfant n’a pas encore essayé d’apprendre à lire à 10 ans, il y viendra quand il en aura besoin et envie. Il ne s’agit pas d’individus autodidactes, car ils peuvent avoir besoin d’aide et de personnes ressources pour l’apprentissage de certaines compétences, mais de personnes épanouies, qui savent ce qu’elles veulent et peuvent s’épanouir à leur rythme.

Certaines écoles (dont de plus en plus en France, youpi!) pratiquent ce type d’éducation dite démocratique, sur le modèle de l’école Sudbury qui existe depuis plus de 40 ans aux Etats-Unis. Dans ces établissements, tous les membres (aussi bien les étudiants âgés de 3 à 19 ans que les adultes) sont libres de faire ce qu’ils veulent de leurs journées. Par contre, ce n’est pas du tout l’anarchie, bien au contraire, on apprend à vivre ensemble, se respecter les uns les autre, à se connaître et maîtriser ses émotions grâce à la méditation par exemple. Les décisions concernant l’établissement (règlement intérieur, budget,  sont prises ensemble. En ce qui concerne la question de passer des examens, ou de regagner un jour une école ordinaire, il s’avère que les jeunes qui fréquentent ces écoles sont tellement épanouis, ont confiance en eux et ont l’habitude de travailler pour eux-mêmes, qu’ils ont de grandes capacités d’adaptation. S’ils veulent passer le BAC, ils prendront quelques mois pour le préparer et le présenter en candidat libre.

Ci-dessous une vidéo qui présente l’école Sudbury :

Nous vous invitons à visiter blog de l’Ecole Dynamique (plein d’articles passionnants), une école parisienne créée l’année dernière par Ramïn Faranghi, qui explique assez bien sa démarche dans cette vidéo :

On a bien conscience que l’éducation démocratique est vraiment une approche surprenante et qui dérange car elle remet en question toutes nos certitudes. Nous espérons pouvoir en parler avec vous de vive voix, ou dans les commentaires de l’article, n’hésitez pas nous faire part de vos remarques ou questions !

Pour les plus courageux, une dernière vidéo qui présente très clairement l’éducation démocratique :

 

On termine sur une touche musicale :

 

Merci  et bravo de nous avoir lus jusqu’au bout !